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sept 06

Dissémination planétaire de trois lignées de Staphylococcus epidermidis multi résistants: Interprétations.

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Comme vous vous en êtes très certainement aperçus, les médias ont largement relayé cet article (Lee Nature Microbiology 2018) avec parfois des messages alarmants. Voici quelques éléments permettant de comprendre l’enjeu des résultats de cette étude.

  • Quelques rappels:
    • S.epidermidis est un commensal de la peau (fait partie de notre flore)
    • Il est principalement à l’origine d’infections dans des contextes d’hospitalisations sur des terrains fragiles ou particuliers : dispositifs invasifs comme les cathéters, matériel implanté comme les prothèses en orthopédies ou les valves prothétiques cardiaques.
    • Ces bactéries ont la particularité de former un biofilm sur ces dispositifs invasifs, diminuant l’efficacité des antibiotiques.
    • Selon l’enquête nationale de prévalence 2017, S.epidermidis représentait 5,4% des microorganismes à l’origine d’infection associées aux soins en hausse par rapport à 2012 (4.4%). Le Staphylococcus aureus était associé à 13,8% des IAS.
  • Résultats:
    • Emergence de trois lignées distinctes de Staphylococcus epidemidis multi-résistants. Présence des mêmes mutations sur des lignées distinctes en faveur de l’émergence de ces mutations de manière indépendantes. Les souches seraient présentes dans les hôpitaux à l’échelle planétaire.
    • Une forte proportion de ces souches cliniques qui présentent une résistance à la rifampicine, procèdent des mutations conférant une hétérorésistance aux glycopeptides (la vancomycine notamment) non détectable par les méthodes  de microbiologie usuelles.
  • Implications:
    • L’implication de ces résultats est principalement thérapeutique portant notamment sur la remise en question des règles/concepts actuels d’utilisation de la rifampicine.
    • Selon les auteurs, les dispositifs invasifs imprégnés de rifampicine prédisposent les souches colonisant la peau ou le dispositif invasif de développer des résistances à la rifampicine et son hétérorésistance associée à la vancomycine.
    • Les recommandations actuelles pour le traitement des endocardites sur valve prothétique à S.epidermidis  est la bi-thérapie rifampicine + vancomycine, pour éviter la survenue de résistance lors de monothérapie. C’est également le cas pour d’autres infections sur matériel. Cette étude remet ce concept en question car ses résultats tendent à prouver que cette bithérapie au contraire favoriserait la génération de résistance aux deux antibiotiques (notamment la vancomycine) plutôt que de la prévenir. L’arsenal thérapeutique actuel permet de traiter des souches résistantes à la vancomycine. En revanche, certaines souches sont déjà résistantes à la quasi-totalité de ces antibiotiques, et perte de la vancomycine pour le traitement des infections à S.epidemidis serait un pas supplémentaire vers la survenue d’impasses thérapeutiques.
    • L’un des enjeux à venir est d’évaluer la proportion de ces souches dans nos hôpitaux car les tests microbiologiques de routines ne permettent pas leur identification. Les auteurs préconisent une révision des recommandations/stratégies de traitements par bithérapie rifampicine-vancomycine.

Conclusions: Oui l’antibiorésistance est de plus en plus inquiétante. Oui il est nécessaire d’agir pour un meilleur usage des antibiotiques. Oui cette étude est importante et intéressante pour le monde hospitalier.

Non il ne s’agit pas en soi d’un enjeu de santé publique. la virulence de ces bactéries et la fréquence des infections sont faibles. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il n’y a pas de surveillance de ces bactéries dans nos hôpitaux.

Mais pourquoi un relais aussi large dans la presse? Pourquoi des titres aussi alarmistes? Faire la publicité de récents articles abordant l’antibiorésistance de manière plus large aurait présenté beaucoup plus d’intérêt pour le grand public.

Anthropological and socioeconomic factors contributing to global antimicrobial resistance: a univariate and multivariable analysis. Collignon Lancet Planetary 2018

Quantifying drivers of antibiotic resistance in humans: a systematic review. Anuja Chatterjy Lancet Infectious Diseases 2018

 

Voici l’analyse du Pr Jean-Christophe LUCET en charge de la prévention des infections nosocomiales à l’hôpital Bichat (Paris).

La panique est-elle de mise ?

En réalité, « ce constat n’a rien de surprenant », souligne le Pr Jean-Christophe Lucet. « Il s’agit d’un phénomène classique d’acquisition de plusieurs résistances les unes après les autres. » Toutefois, « la présence dans de nombreux pays du monde de ces bactéries est encore une fois un nouvel exemple de la circulation mondiale de la résistance bactérienne », souligne-t-il. « Celle-ci ayant circulé probablement à l’occasion de transferts de patients, de voyages… »

Malgré cela, « il ne s’agit pas en soi d’un enjeu de santé publique », rassure le Pr Lucet. Contrairement au phénomène global de développement de la résistance bactérienne aux antibiotiques. Et pour cause, « la virulence de ces bactéries et la fréquence des infections sont faibles », indique-t-il. Très peu pathogènes, elles ne donnent que très peu d’infections nosocomiales. Lesquelles concernent en particulier les patients porteurs de cathéters, de certaines prothèses et souffrant d’infections hématologiques graves.

Et ce d’autant que « lorsqu’une infection survient sur une prothèse de hanche par exemple, malgré les résistances, des antibiotiques de seconde ou troisième ligne sont encore efficaces », conclut-il.

 

Eléments de réflexion supplémentaires de JC Lucet:

  • Parler de Pb « invisible » est faux, c’est juste que l’on ne cherche pas les staphylocoques coagulase négative (SCN, dont S.epidermidis) car ce n’est pas un enjeu de sante publique,
  • Sur le graphique de l’article (de 227 souches de SCN sélectionnées, dont on ne connait pas l’origine), le taux de MR ne semble augmenter de façon franche, cf en 2008. Je serai intéressé de voir des données de R chez les SCN hospitaliers, mais qui en fait la surveillance ?
  • Rien ne prouve que les deux résistance à la rifampicine (RFP) et la vancomycine/teicoplanine soient liées, elles semblent concomitantes par accumulation, comme pour beaucoup d’autres bactéries multi-résistantes
  • Incriminer  des prothèses imprégnées de RFP (uniquement vasculaire à ma connaissance)  est spéculatif, il faudrait regarder à quoi sert la RFP dans les hôpitaux, au moins le traitement de  la tuberculose et des infections à staphylocoque Multi-Résistants. Mais cela montre peut-être les « effets collatéraux » du traitement d’une infection, SARM ou tuberculose, sur la résistance dans les flores commensales.
  • Un sujet est la diffusion mondiale de quelques clones, ce qui me semble le plus intriguant, compte tenu de la diversité génétique des SCN : un peu comme les SARM communautaire avec des clones à succès ? (USA 300, ST80 ou clone Géraldine) ?

 

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