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sept 11

La qualité des soins est-elle victime de la désinformation ? L’exemple des solutions hydro-alcooliques.

Présentation1

 

Vous avez certainement vu paraître dans la presse début Aout dernier de nombreux articles remettant en question l’efficacité des solutions hydro-alcooliques. L’hygiène des mains avec les solutions hydro-alcooliques (SHA) est listée comme un élément majeur des bonnes pratiques de soins de l’OMS. Cette mesure prévient de nombreuses infections et prévient des millions de décès chaque année.

L’hypothèse évoquée dans l’article largement relayé dans les médias serait une tolérance de souches d’Enterococcus faecium tolérant à l’Isopropanol. Cette question mérite éclaircissement.

Qu’est-ce que l’Enterococcus faecium ?

Les entérocoques appartiennent à la flore résidente du tractus gastro-intestinal humain. Ces bactéries sont habituellement inoffensives et ne sont pas considérées comme des pathogènes stricts. Elles sont principalement à l’origine de colonisation. Cependant, quand la relation commensale avec l’hôte est perturbée, les entérocoques peuvent provoquer des pathologies invasives comme des endocardites, des bactériémies, des méningites, des infections urinaires ou des infections de plaie. La grande majorité des infections à entérocoques sont causées par Enterococcus faecalis (environ 80% des isolats cliniques) et Enterococcus faecium (environ 20%).

Selon l’enquête nationale de prévalence 2017, les Enterococcus faecium sont à l’origine de 1.5% des infections associées aux soins identifiées un jour donné.

Ce que dit l’étude ?

L’étude a comparé d’anciens et de nouveaux isolats d’E faecium (obtenus entre 1997 et 2015) et leur tolérance à une solution d’alcool à 23%, et a constaté que certaines nouvelles souches étaient plus tolérantes à l’alcool.(1)

Ce qu’il faut savoir :

  • La formulation des SHA utilisées dans les hôpitaux contient de 60 à 90% d’alcool. Il n’y a aucune preuve de résistance à ces concentrations, donc la tolérance à une solution d’alcool à 23% n’est pas cliniquement pertinente. L’étude elle-même déclare que les souches cliniques étaient entièrement sensibles à l’isopropanol à 70% (similaire à ce que pourrait être utilisé dans un produit hydro-alcoolique).

Donc : Les hôpitaux doivent choisir des SHA de haute qualité, avec un taux/degré/titre d’alcool validé (70%) et encourager des taux élevés d’observance d’hygiène des mains chez les professionnels de santé.

L’étude a également montré que certaines souches d’entérocoques résistantes à l’alcool et à la vancomycine les souches se propagent plus rapidement chez les souris placées en cage que les souches non tolérantes, après que les cages de souris aient été essuyées avec un lingette imprégnée d’alcool.

Ce qu’il faut savoir :

  • La désinfection de l’environnement dans les hôpitaux pour les ERV est un protocole complet, utilisant des détergents-désinfectants et non un essuyage rapide avec des lingettes imprégnées d’alcool. De plus, l’alcool n’est pas recommandé pour l’environnement ERV contrôle.

La recherche de bonne qualité est souvent victime de mauvaises interprétations ou de distorsion des messages. Si l’information délivrée attire l’attention, principalement en se basant sur les craintes et les peurs du lectorat, elle peut provoquer plus de dommages que de bénéfices. Nous avons tendance à blâmer les journalistes, mais cela vaut la peine également de regarder les communiqués de presse (provenant des auteurs) et les journaux scientifiques/médicaux eux-mêmes.Cet épisode médiatique a certainement eu des conséquences sur les perceptions des produit-hydro-alcooliques par les professionnels de soins et sur leurs utilisations dans leurs pratiques au quotidien. Il s’ajoute à de précédentes publications sur la présence de Bisphénol A ou de Triclosans dans les produits hydro-alcooliques. Espérons que les professionnels de santé font la part des choses entre l’expertise des Hygiénistes/Médecins du travail et les fakes news, bad buzz relayés dans les médias de masse. La qualité des soins, de nos soins à tous, en dépend.

Voici une affiche vous permettant de mieux comprendre la situation : ICI.

Article très largement inspiré de la publication de Didier Pittet, Alexandra Peters, Ermira Tartari. « Enterococcus faecium tolerance to isopropanol: from good science to misinformation.” Lancet Infect Dis 2018. Published Online September 4, 2018 http://dx.doi.org/10.1016/S1473-3099(18)30542-5.

Référence:

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